Chevrette Nomade

Il y a un an

Il ne se passait rien...

Mardi 6 novembre 2007 à 19:34

Nous allons entrer dans le grand hiver à Montréal : la météo annonce le gel même en journée, d'ici une semaine.
Je me demande souvent comme les pauvres gens subsistent, par ces froids, dans la rue. Parce qu'on en voit pas mal, à Montréal comme à Paris ou à Lyon, sur les trottoirs.
Un des prof de mon Université a pris une initiative intitulée :
Giving homelessness a home in front of the nation
home = la maison, l'abri vital -  homeless = le sans-abri, l'errant des rues...  Ici au Québec, il est souvent appelé "itinérant"
Il s'agit de permettre aux "homeless" d'avoir sur Internet un site à eux, d'où ils puissent communiquer entre eux, parler à d'autres, interpeller les gouvernants et responsables, témoigner de leurs conditions de vie errantes.
Beaucoup d'itinérants ont choisi leur état de vie : "nomades pauvres", qui veulent une certaine liberté, et une certaine convivialité, celle de la rue.
En 2001, une étude en comptait plus de 1800 à Montréal, de ces "itinérants" plus ou moins volontaires, qui représenteraient près de 30% des "homeless" du Canada. Dont 8% auraient moins de 16 ans !
La lettre ci-dessous, "Paroles de la rue", est écrite sur le blog d'un de ces "itinérants".
Itinérant? Sans-abri? Je n'y ai même jamais pensé deux secondes. On ne s'appelle pas comme ça entre nous. Moi, c'est Éric, lui, c'est Alex et ainsi de suite. Certains attirent peut-être la pitié sur eux, d'autres sont révoltés ou défoncés, mais moi je suis fier de ce que je suis. J'aime le mode de vie nomade. Prendre mon sac et partir.
Je viens d'avoir 30 ans et je tombe in et out dans la rue depuis quelques années. Quand je suis tanné (=ennuyé) de la ville, je vais à la campagne.
Comme on n'y trouve pas de ressources, je reviens au centre-ville parce que je connais le coin. Il existe ici une espèce de cercle, un esprit communautaire. J'y ai beaucoup d'amis. Même si plusieurs sont morts ou en prison. Je repasse sans cesse devant ces parcs où j'ai traîné.
À 18 ans, j'ai lâché l'école, d'abord pour habiter la Rive-Sud avec une fille que j'aimais. Je gagnais ma vie dans un entrepôt, au salaire minimum. Je n'avais pas de but. Quand tu n'as aucune track à suivre, tu erres. Opérateur de chariot-élévateur, j'ai eu quelques bonnes jobs dans ma vie, mais je les ai toutes scrapées (=lâchées). Je m'y tannais (=m'y ennuyais).
Comme la plupart des gens, je m'achetais des bébelles (=fringues). J'ai ainsi pris conscience que plus j'en voulais, moins j'étais satisfait. Avec un appartement et une job, tu espères quoi après ? Une plus grosse tv ?
Je me suis plutôt mis à consommer davantage de drogue et d'alcool.
Je m'ennuyais. Pour m'échapper, je buvais une caisse de 12 par soir. Je déprimais seul chez moi. J'ai même déjà fait ma propre mescaline. Je fumais du crack, du pot, du hasch. J'ai tout fumé: mon travail, mes amis et mon logement. C'est un milieu très vicieux. Un cercle. Un monde.
Quand on ferme les yeux, on voit nos vieux fantômes qui reviennent sans arrêt. Les choses qu'on a faites gelées. Déjà qu'on tente de dormir sur un bloc de béton. On n'a jamais la conscience tranquille. C'est pourquoi il existe chez les itinérants un gros trafic de pilules pour dormir.
Quand tu travailles, la vie passe trop vite. Tu n'as pas le temps de te reposer, de réfléchir ou de lire. J'ai aussi du mal à m'entendre avec les autres employés. Je trouve qu'ils se plaignent pour rien. On est pas si pauvres à Montréal ! Même dans la rue, ce n'est pas la grosse misère et il faut presque se forcer pour en mourir.
Aujourd'hui, je regarde les gens marcher dans la rue et je me demande comment ils arrivent à faire ce qu'ils font, pourquoi ils portent des bijoux et des vêtements griffés. Eux me regardent probablement de la même façon.
Je viens à nouveau de retomber dans la rue et je passe mes journées à chercher de la bouffe, des ressources et un coin sec. C'est un autre mode de vie. C'est dur de reprendre le droit chemin quand tu as eu un rythme de rue, où tout le monde te salue, connaît ton nom. Ici, je fais partie d'une communauté. Ici, même si je suis démuni, au moins je n'ai pas d'attachement. Je peux partir sur le pouce à Ottawa demain.J'ai une famille, je l'appelle le moins souvent possible. Pour ne pas les emmerder. Je sais que ça les tanne de me voir dans cette situation, surtout qu'ils savent que je suis capable de travailler. C'est sûr qu'il existe des métiers intéressants. On ne choisit pas d'empiler des boîtes dans un entrepôt.
Mon message pour vous :
Dans les rues de Montréal, une personne sur deux a des problèmes mentaux. Plusieurs ont carrément perdu la boule, ne touchent plus à terre. Et il y a pas deux personnes qui ont la même histoire. Il ne faut pas juger ces gens qu'on ne connaît pas, sans comprendre les traumatismes qui leur ont fait perdre toute confiance.Si vous croisez quelqu'un qui a de la misère, prenez le temps de lui donner un sandwich au lieu de deux piastres. Des fois, je demande l'heure et les gens se poussent. Ils ont peut-être vécu une mauvaise expérience, mais souvent, ils ne font pas la différence entre un itinérant, le dealer et le crackhead. Dans 10 ans, j'ai une chance sur deux d'être encore à la rue. Ça dépend si je trouve ce que je cherche. Mais je ne sais pas ce que je veux."
Par kent le Mardi 6 novembre 2007 à 19:39
J'ai lu dans "le monde" de Lundi je crois bien, un article sur la xénophobie au canada. Avec une famille persécuté par les autochtones, les accusant de pomper les subventions du coin. Le mec (français) avait racheter un bout de terre, près d'un lac pour en faire une mini station balnéaire, ouvert toute l'année. Lac l'été, moto à neige etc l'hiver.

Bref, tout ça pour tte dire que si le sujet t'intéresse, je peux te "filer" l'article.
Par ticow le Mardi 6 novembre 2007 à 21:36
j'ai du mal à savoir comment font ils..Déjà que moi j'ai du mal à émerger de dessous ma couette début novembre alors qu'il fait quand même 16 dans ma chambre alors qu'eux passent leurs nuits dehors à -je ne sais combien. Leur corps s'habituent surement.Je ne sais point cela reste une interrogation.
Par soft-snow le Mercredi 7 novembre 2007 à 8:55
On croit que c'est terrible pour eux, et puis on lit ça et ça fait vaguement penser à une autre forme de liberté...
Par lancien le Mercredi 7 novembre 2007 à 17:02
C'est touchant et très interessant.
Mais je crois qu'il y a trois sortes de "sans abri" :
ceux que l'on appelait autrefois "clochards", qui ont topujours existé, qui certes étaient pauvres, mais avaient en partie choisi cet état et ne voulaient pas revenir à une vie "normale" même si on leur donnait les moyens de le faire.
J'ai eu l'occasion de m'occuper de telles personnes une année de grand foid et c'était très particulier.
Et puis ce qui autrefois était rare, des personnes comme vou et moi, qui ont perdu leur emploi et se retrouvent au dessous du seuil de pauvreté, voire même des personnes qui travaillent mais sont payés moins que leurs cherges financières (notamment des femmes seules avec des ebfabts). Ceux là se retrouvent à la rue alors que leur souhiat le plus cher serait de vivre une vie "normale" et là c'est encore plus dur. Et cela n'existait pas il y a trente ans.
Enfin il y a ceux qui comme la personne de l'article, sont touchés par des malheurs : accident, maladie, drogue, alcool, maladie mentale et qui peu à peu se marginalisent de plus en plus.
Même notre monde occidental a bien des laideurs !
Merci Maud de nous avoir donné cet article à lire.
Par kaze le Jeudi 8 novembre 2007 à 19:05
Ca me fait de la peine les gens dans la rue....
Dans les métros ce qui me fend le plus le coeur c'est les papis avec leur petit accordéon,le sourire aux lèvres,les gens qui passent à côté l'air de dire "qu'est-ce que j'en ai rien a foutre que tu sois dans la misère".
Par pas-un-ange le Samedi 10 novembre 2007 à 20:55
Temoignage tres emouvant...
On a beau dire qu'on a de la peine, qu'on veut faire quelque chose pour les aider, mais des qu'on se retrouve face a un sans-abri ou a un mendiant, on ne sait pas quoi faire, pas quoi dire. On se sent mal a l'aise, gauche, on n'a pas envie de trop rester pres de cette personne ou meme de la regarder, presque comme si l'on avait peur qu'ils nous "refilent" leur malheur.Comme si c'etait un vulgaire virus... Et pourtant, une piece, un sourire, un mot, cela ne ferait de mal a personne. C'est juste le propre de l'homme de fuir tout ce qui ne cadre pas avec son petit monde de bien-etre...
Par ryokoo le Lundi 3 décembre 2007 à 18:47
Cela fait longtemps que je ne me suis pas attardée sur internet :) et je découvre un très bel article de ma tite chevrette "polaire"!
Je trouve vraiment intéressant d'avoir pris l'initiative de créer ce site, il permet (comme l'extrait que tu nous as cité) de comprendre et d'avoir aussi des bribes de réponses à nos interrogations sur les "homeless" quelqu'ils soient (par "choix" ou non). Je partage l'idée de "Lancien" en ce qui concerne les différentes personnes qui se trouvent dans la rue, mais j'aimerais aussi ajouter une autre "catégorie" (je n'aime pas utiliser ce mot, mais sinon je ne sais comment dire). C'est vrai qu'il y a des personnes qui se trouvent dans la rue par choix de liberté, de détachement envers la notion de matérialisme, par malaise mais aussi pour une quête de quelque chose qu'il n'arrive pas à expliquer (un peu peut-être comme cet homme), il y en a d'autres, peut-être plus rares (je ne vis pas dans la rue, je ne peux que développer ce que je peux penser à partir de ce que je ressens, que j'ai pu lire et que je perçois dans la vie de tous les jours, alors je peux très bien me tromper), qui y sont à cause de la pauvreté, d'exclusion (logit), et d'insuffisance. Mais il y a aussi d'autres personnes qui viennent de pays étrangers, et qui essaient de construire à nouveau une vie nouvelle, et d'autres qui sont là de façon clandestine et qui ont un "chef" au dessus (plus rare mais existante).
Et je pense que pour les "gens" qui méprisent les "sans abris" , ils les mettent tous dans le même sac, et sont bourrés de préjugés envers eux, et donc il y a forcément une image très péjorative et "repoussante" qui en résulte.

Par ryokoo le Lundi 3 décembre 2007 à 19:07
Je me souviens d'une scène très choquante (et donc marquante) lorsque j'ai pris le métro à Paris. Le "wagon" était quasi bourré (comme tout le temps) et avec une amie on aurait aimé trouver deux places assises car on en avait pour env. 20 minutes. Avec surprise on voit une banquette (2 places) de libre, on s'y assoit, et tous ceux qui nous entouraient, nous ont regardé avec surprise et incompréhension (genre l'air :" comment peuvent-elles faire ça! Elles se rendent pas compte"). Et pourquoi ces regards oppressants et répétitifs ? car il y avait un clochard qui était recrovillé en boule sur le siège près de la fenêtre. Ce que je ne comprends pas, c'est qu'il y avait largement la place de s'asseoir sans être sur lui, le fôler, le toucher ou autre, et que d'être assis à 60 cm de lui revenait à être debout à 70 cm plus loin , et que pourtant tous les gens du "wagon" l'ont exclu en laissant un petit cercle autour de lui, genre "danger danger". Je ne dis pas qu'il fallait qu'ils le prennent dans leurs bras, le toucher itou (bien évidemment), mais il y a des limites de respect, et le mépris qui flottait dans l'air, était à nos yeux scandaleux. Et en plus, le plus "drôle" (ironique), c'est qu'un autre clochard a pu s'asseoir, dormir etc..., sur les autres banquettes auxquelles les gens hautains étaient fiers d'être assis ( en contradiction avec notre place).

Par ryokoo le Lundi 3 décembre 2007 à 19:09
Sinon cet article me fait penser à un texte que j'ai étudié en anglais: "The New vagrant", qui montre le regard et le jugement d'un riche habitant d'une classe aisé d'un quartier Est de Londres sur un "vagrant (différent des "tramps") qui dort pendant une nuit sur le porche de sa belle maison. Car au premier abord, on peut penser que le jeune "vagrant" peut dormir dehors sur ce porch par pauvreté, exclusion de chez lui ou je ne sais encore, et la description de celui-ci mène à une autre proposition ( he wears with new-looking, Doc Martens: => fashion)..
Enfin bref :) thanks for your article dear chevrette (l)!
Bisous
 

crottes de chevrette

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