Je me demande souvent comme les pauvres gens subsistent, par ces froids, dans la rue. Parce qu'on en voit pas mal, à Montréal comme à Paris ou à Lyon, sur les trottoirs.
Un des prof de mon Université a pris une initiative intitulée :
Giving homelessness a home in front of the nation
home = la maison, l'abri vital - homeless = le sans-abri, l'errant des rues... Ici au Québec, il est souvent appelé "itinérant"Il s'agit de permettre aux "homeless" d'avoir sur Internet un site à eux, d'où ils puissent communiquer entre eux, parler à d'autres, interpeller les gouvernants et responsables, témoigner de leurs conditions de vie errantes.
Beaucoup d'itinérants ont choisi leur état de vie : "nomades pauvres", qui veulent une certaine liberté, et une certaine convivialité, celle de la rue.
En 2001, une étude en comptait plus de 1800 à Montréal, de ces "itinérants" plus ou moins volontaires, qui représenteraient près de 30% des "homeless" du Canada. Dont 8% auraient moins de 16 ans !
La lettre ci-dessous, "Paroles de la rue", est écrite sur le blog d'un de ces "itinérants".
Itinérant? Sans-abri? Je n'y ai même jamais pensé deux secondes. On ne s'appelle pas comme ça entre nous. Moi, c'est Éric, lui, c'est Alex et ainsi de suite. Certains attirent peut-être la pitié sur eux, d'autres sont révoltés ou défoncés, mais moi je suis fier de ce que je suis. J'aime le mode de vie nomade. Prendre mon sac et partir.
Je viens d'avoir 30 ans et je tombe in et out dans la rue depuis quelques années. Quand je suis tanné (=ennuyé) de la ville, je vais à la campagne.
Comme on n'y trouve pas de ressources, je reviens au centre-ville parce que je connais le coin. Il existe ici une espèce de cercle, un esprit communautaire. J'y ai beaucoup d'amis. Même si plusieurs sont morts ou en prison. Je repasse sans cesse devant ces parcs où j'ai traîné.
À 18 ans, j'ai lâché l'école, d'abord pour habiter la Rive-Sud avec une fille que j'aimais. Je gagnais ma vie dans un entrepôt, au salaire minimum. Je n'avais pas de but. Quand tu n'as aucune track à suivre, tu erres. Opérateur de chariot-élévateur, j'ai eu quelques bonnes jobs dans ma vie, mais je les ai toutes scrapées (=lâchées). Je m'y tannais (=m'y ennuyais).
Comme la plupart des gens, je m'achetais des bébelles (=fringues). J'ai ainsi pris conscience que plus j'en voulais, moins j'étais satisfait. Avec un appartement et une job, tu espères quoi après ? Une plus grosse tv ?
Je me suis plutôt mis à consommer davantage de drogue et d'alcool. Je m'ennuyais. Pour m'échapper, je buvais une caisse de 12 par soir. Je déprimais seul chez moi. J'ai même déjà fait ma propre mescaline. Je fumais du crack, du pot, du hasch. J'ai tout fumé: mon travail, mes amis et mon logement. C'est un milieu très vicieux. Un cercle. Un monde.
Quand on ferme les yeux, on voit nos vieux fantômes qui reviennent sans arrêt. Les choses qu'on a faites gelées. Déjà qu'on tente de dormir sur un bloc de béton. On n'a jamais la conscience tranquille. C'est pourquoi il existe chez les itinérants un gros trafic de pilules pour dormir.
Quand tu travailles, la vie passe trop vite. Tu n'as pas le temps de te reposer, de réfléchir ou de lire. J'ai aussi du mal à m'entendre avec les autres employés. Je trouve qu'ils se plaignent pour rien. On est pas si pauvres à Montréal ! Même dans la rue, ce n'est pas la grosse misère et il faut presque se forcer pour en mourir.
Aujourd'hui, je regarde les gens marcher dans la rue et je me demande comment ils arrivent à faire ce qu'ils font, pourquoi ils portent des bijoux et des vêtements griffés. Eux me regardent probablement de la même façon.
Je viens à nouveau de retomber dans la rue et je passe mes journées à chercher de la bouffe, des ressources et un coin sec. C'est un autre mode de vie. C'est dur de reprendre le droit chemin quand tu as eu un rythme de rue, où tout le monde te salue, connaît ton nom. Ici, je fais partie d'une communauté. Ici, même si je suis démuni, au moins je n'ai pas d'attachement. Je peux partir sur le pouce à Ottawa demain.J'ai une famille, je l'appelle le moins souvent possible. Pour ne pas les emmerder. Je sais que ça les tanne de me voir dans cette situation, surtout qu'ils savent que je suis capable de travailler. C'est sûr qu'il existe des métiers intéressants. On ne choisit pas d'empiler des boîtes dans un entrepôt.
Mon message pour vous :
Dans les rues de Montréal, une personne sur deux a des problèmes mentaux. Plusieurs ont carrément perdu la boule, ne touchent plus à terre. Et il y a pas deux personnes qui ont la même histoire. Il ne faut pas juger ces gens qu'on ne connaît pas, sans comprendre les traumatismes qui leur ont fait perdre toute confiance.Si vous croisez quelqu'un qui a de la misère, prenez le temps de lui donner un sandwich au lieu de deux piastres. Des fois, je demande l'heure et les gens se poussent. Ils ont peut-être vécu une mauvaise expérience, mais souvent, ils ne font pas la différence entre un itinérant, le dealer et le crackhead. Dans 10 ans, j'ai une chance sur deux d'être encore à la rue. Ça dépend si je trouve ce que je cherche. Mais je ne sais pas ce que je veux."
Bref, tout ça pour tte dire que si le sujet t'intéresse, je peux te "filer" l'article.