A l'ombre d'une haie, je me couche en boule et je je ferme les yeux...
De suite un songe puissant me saisit, m'emmène au firmament. Dans les nuages, je traverse de vastes étendues, je survole les océans en compagnie des mouettes. Un Monde Nouveau s'étend à présent en dessous de moi. Forêts immenses de trembles, peupliers, mélèzes, jalonnées de lacs. Une clairière d'herbe verte semble se précipiter vers moi et me voici sur pattes, petite tache blanche perdue dans cette immensité verte. De violents odeurs de sucs végétaux excitent mes papilles; gourmande, je grapille goulûment des herbes inconnues de moi.
Sans m'en rendre compte, je me suis hasardée près de la lisière de la forêt. Un craquement me fait lever la tête : un immense animal, poil brun et blanc, cornes démesurées, m'observe...Il doit bien peser 5 fois mon poids et faire 3 fois ma taille. Impressionnée, je baisse la tête et chevrotte.
Mon ancêtre ?
L'ancêtre me parle : "Tu es perdue ici, petite chevrette ! D'où viens-tu ?""D'un village en France ! "
"Ah, tu es donc presque un animal de compagnie ! tels chats et chiens ! ayant perdu toute sauvagerie et méfiance ! Une nuit ici, et te voilà croquée, par l'ours grizzli qui rôde dans ces forêts ou encore plus par lynxs et loups. Nous, caribous de Gaspésie, notre taille nous protège des ennemis. Qui t'a conduite ici, petite chevrette perdue ?"
Je réfléchissais, très apeurée : comment lui avouer ?
"J'ai fait un rêve, et je me suis retrouvée ici !"
Cette révélation étrange ne parut pas surprendre le caribou ! Il acquiesca même "Cà ne m'étonne pas ! les rêves sont toujours dangereux. Ils vous emmènent, surtout les jeunes femelles comme toi, là où vous ne devriez jamais vous aventurer. Et pourquoi as-tu fait ce rêve ?"
"Je pense que j'en avais assez de mon pré et de mon village perdu des Gaules ! je rêve de grands espaces et de voyages ! " me surpris-je à lui répondre. (Quelle menteuse je fais ! moi qui ai si peur de l'inconnu !)
"Alors méfie-toi de tes rêves, et, si tu veux les suivre, pars armée de courage ! Ici, dans ce Nouveau Monde qui te séduit tant, sache que c'est chacun pour soi ! Notre principal ennemi n'est pas l'ours ni le loup, mais l'homme, stupide chasseur, cupide et égoïste qui détruit les caribous pour le simple plaisir d'orner de nos bois sa salle de séjour. Ce pays de Canada est froid et dur"
Un cri rauque derrière un tronc me fit tourner la tête : là, tout près, un loup pointait son museau ! L'immense caribou détala en me criant : "Sors de tes rêves, chevrette, et vite !"
Dans mon pré, brusquement, je me suis réveillée, le coeur battant la chamade !
Un cauchemar !
j'ai encore dû, par mégarde, croquer la fleur du vénéneux hellébore !
Ainsi se termine cette série des 14 contes de la Chèvre
Je ne voulais pas terminer sur le chiffre 13 !
Je ne voulais pas terminer sur le chiffre 13 !