Chevrette Nomade

Il y a un an

Il ne se passait rien...

Dimanche 27 novembre 2011 à 14:12

J'ai lu ce matin ici  que le Président français ne voulait pas que l'on revienne à l'ère de la bougie.
Étant pour ma part une chevrette pacifique, je veux réconcilier les français,
ceux qui militent pour l'atome et ceux qui le craignent...
D'où ce petit conte... qui n'a rien d'un "conte de Noël"


Je suis une petite fille de 7 ans : dans ma classe on prépare Noël
Hier, la maîtresse a réuni toute ma classe.
Sur son bureau, un gros colis, marqué :
"Cadeaux de Noël pour les enfants des écoles de France"
... et en dessous, il y avait la provenance :
Don de la Présidence de la République.
Nous nous sommes mises sagement en file dans l'allée centrale de la classe
la maîtresse a ouvert le colis pour distribuer les cadeaux.
Un cadeau chacun pour mettre sous le sapin de Noël à la maison,
mais, parce que "EGALITE",  on a tous eu le même cadeau.
Une grosse bougie bleue, qui ressemble à un petit tonneau.
La bougie est lourde, parce qu'elle est "blindée", comme les tanks à la guerre.
Au milieu du tonneau, il y a un bouton jaune à 3 ailes, pour allumer la bougie.
  parce qu'elle est "automatique" et s'allume tout seul quand on appuie sur le bouton
Comme ça, pas d'allumettes : on ne mettra pas le feu dans nos maisons !
http://maud96.cowblog.fr/images/Avril2010/bougieatomique.jpgIl y a une pile dans la bougie, une pile à "uranium", sans mercure, donc "propre".
Il parait que ça durera très, très longtemps. Une bougie pour toute notre vie !
J'ai allumé ma bougie un moment, pour voir si elle marchait.
C'est drôle : quand on allume, ça ne fait pas une flamme, mais...
comme un petit champignon qui éblouit !
  Ce champignon éclaire si fort que j'ai même eu mal aux yeux.
On a écrit une lettre au Président de la France, pour lui dire merci.
Moi, dans ma lettre, pour lui faire plaisir ,
j'ai écrit que j'appellerai ma bougie "GIULIA"
... parce que c'est le nom de sa petite fille.
Je suis sûre qu'il sera très content...

Mardi 22 décembre 2009 à 19:23

Elle avait froid, malgré le grand voile qui cachait aux passants la fraîcheur de son visage de 17 ans.
Cet enfant dans son ventre se faisait impérieux et tapait des pieds. Il l'épuisait et elle avait soif et faim.
Tout avait été si vite : cette traversée chaotique du détroit dans une barque surpeuplée,
la surprise sur la plage où aucun garde ni douanier ne les attendaient,
la fuite de tous dispersés vers la grande ville au bout d'une route proche.
Cette grande ville occidentale : ils l'avaient tant espérée, et à présent qu'ils l'avaient atteinte,
elle les avait avalés comme des ombres qu'ils étaient...
Se faire discrets, invisibles, telle était la consigne du passeur.
Son homme, aux abords du port, avait immédiatement été embauché :
les mandarines de Noël n'attendent pas la cueillette.
Il était parti avec les autres, en camion, lui soufflant "Attends moi ici, je reviens ce soir".
A présent la nuit, et, autour d'elle, les bâtiments du port se faisaient sinistres.
Elle n'osait donc s'éloigner, attendant "son homme"...
Et s'il l'abandonnait ? après tout rien ne les liait, tant cette grossesse avait débuté mystérieusement...
Une voyante, de l'autre côté de la mer, leur avait dit que cet enfant serait un prince...
mais elles disent toutes çà, pour avoir une piécette de plus !
Soudain, elle ressentit de violentes contractions et cette inondation entre ses cuisses...
A peine le temps de se réfugier au milieu de cageots vides, à l'abri d'un édicule.
Elle hurla de toutes ses forces sa douleur de parturiente...
Personne ne l'entendait, sur ce quai portuaire désert à minuit.
Debout au milieu des caissettes elle enfanta, et l'enfant tomba,
sur des alvéoles de carton bleu destinées à accueillir des oranges...
Se souvenant des gestes des femmes de son village, seule, elle fit tout ce qu'il fallait faire.
Quand elle eut fini, se fut essuyer corps et visage avec des papiers qui traînaient ci et là,
elle regarda le ciel, le bébé accroché à son sein.
Mais nulle étoile n'y brillait, nul ange n'y chantait : seule la lumière blafarde des pylônes du port ...
les légendes ne se répètent pas... La misère, elle, oui, à l'infini !
http://maud96.cowblog.fr/images/naissancemisere.jpg

Vendredi 13 novembre 2009 à 21:06

http://maud96.cowblog.fr/images/herissonminipix.jpghedgehog in the fog     (le hérisson dans le brouillard)
 
conte visuel et musical (vidéo 10 minutes. Voix en russe, sous-titré en anglais)
Résumé : le petit hérisson doit ramener un pot de confiture chez son ami l'ourson...
Mais en route, que d'aventures et de rencontres !

Traduction française des 3 dernières minutes de la vidéo :
"Je suis tombé dans la rivière", pensa le petit hérisson et il frissonna de peur.
"La rivière n'a qu'à m'emporter", décida-t-il enfin. Et le courant l'emportait doucement.
"Je suis tout trempé. Je vais bientôt me noyer", pensa le petit hérisson.
Soudain, quelqu'un effleura sa patte arrière.
-" Excusez-moi...", demanda quelqu'un silencieusement. "Qui êtes-vous et que faites-vous ici ?"
- "Je suis le petit hérisson", répondit aussi silencieusement le petit hérisson. "Je suis tombé dans la rivière."
- "Alors asseyez-vous sur mon dos", proposa silencieusement quelqu'un. "Je vais vous porter sur la rive".
Le petit hérisson s'assit sur le dos glissant et étroit du mystérieux personnage et se retrouva sur la rive en un instant.
- "Merci ! " dit-il à haute voix.
- "De rien !" répondit silencieusement quelqu'un que le petit hérisson n'aperçut même pas,
et qui s'évanouit dans l'onde...
...
- "Te voilà enfin !" dit l'ourson qui s'était réveillé
et avait aperçu sur son perron le petit hérisson.
-" Me voilà !"   
- "Et où étais-tu passé ?"
- "J'étais absent bien longtemps", répondit le petit hérisson.
"Quand on disparaît, il faut d'abord prévenir ses amis !"

Vendredi 15 juin 2007 à 19:07

J'ai retrouvé avec plaisir une bonne prairie française bien de chez nous, avec son petit chemin creux aux haies gazouillantes.
Caribette au Québec, j'avais un peu le mal du pays : chevrette en France, j'ai l'impression de retrouver mes racines.
De plus, il a bien plu, l'herbe est haute, on peut s'y rouler à  loisir... et c'est justement en faisant des galipettes en roulé-boulé du haut d'un talus verdoyant qu'hier m'est arrivé une rencontre surprenante : un objet métallique dur et rond, que j'ai dû bousculer, m'a suivi en bas du talus... Rond, plat, un cercle blanc, des signes cabalistiques, 2 aiguilles et surtout un bruit régulier.
Je flairai du bout de mes narines cet objet, et voici qu'il se met à me parler !
"Aide-moi !"... Petit saut de côté de surprise : puis, je suis revenu flairer la "chose".
"Aide-moi !"
"Qui es-tu, toi qui es enfermé dans cette boîte ?" ai-je demandé
"Je suis ton maître, le TEMPS, et cette boîte est une montre : elle me permet de parler au monde..."
"Moi, je ne parle pas, je chevrote ! les moutons bêlent, les oiseaux gazouillent, les loups hurlent, les renards glapissent, les vaches meuglent, et toi tu fais un drôle de bruit comme "tic tac"... C'est çà que tu appelles parler au monde ?"  
"Le tic tac que tu entends, ce n'est pas une parole, tu as raison, chevrette ! Ma parole, ce sont mes deux aiguilles et leur écartement, vers les signes que tu vois sur le pourtour du cercle... Il suffit de savoir les interpréter... Seuls les humains peuvent lire sur une montre ! Mais une chevrette est trop bête !"
Furieuse et vexée, je donnais un coup de sabot sur le boîtier métallique qui roula plus bas, sur le talus : "Je ne suis pas une imbécile ni une bête, comme tu dis ! Quand l'aube se lève et que la rosée s'évapore sur la prairie, je sais qu'il est temps d'aller manger et grappiller, quand les ombres s'allongent, je sais qu'il est temps de rentrer dans ma cabane. Tous les animaux se débrouillent sans montre. Il faut être un animal dégénéré pour avoir besoin d'une montre !"
La montre sembla soupirer; "Tu as raison, chevrette : les hommes sont un peu des animaux dégénérés... N'empêche que je suis ton Maître, le temps ! Mais, s'il te plaît, donne-moi un autre coup de patte, que je roule plus loin".
J'avais affaire à un "Maître" maso ! il voulait que je le torture...Eh bien, il allait voir ce qu'il allait voir : le boîtier rond, je le shootais d'un bout à l'autre de la prairie, et il n'est pas une motte d'herbe qu'il n'allât visiter. Après un coup de patte particulièrement réussi qui le fit monter à un mètre de hauteur, un peu inquiète, j'allais voir de plus près : le tic tac fonctionnait toujours, et il me sembla même plus nerveux qu'avant...
Puis : la montre me dit "Merci, chevrette ! Tu ne peux pas savoir quel service tu m'as rendu !"
"Montre, qui te prétends parole du Temps, et donc mon Maître, tu dois être un peu folle. Je t'envoie valdinguer en tous sens sur cette prairie et tu me dis merci !"
"C'est que, vois-tu, j'ai un mécanisme bien spécial, qui reprend de la vigueur automatiquement s'il est agité... Tu viens de me remonter"
"Remonter le Temps, mais c'est mon rêve ! Toute chevrette que je suis, je ne sais plus gambader ni batifoler comme lorsque j'étais petit cabri, j'ai l'impression de m'engourdir, et j'ai tellement peur de devenir une vieille bique cagneuse qui perd ses poils!"
"Ce n'est pas ce que j'ai dit, chevrette : tu as remonté le mécanisme de la montre, mon signe pour parler aux hommes, comme le sont les horloges des clochers et mille autres gadgets qu'ils ont inventé, mais remonter le Temps, on ne le peut pas, et même moi, le Temps, je ne le peux pas : il faut que j'aille de l'avant, toujours de l'avant. Je laisse derrière moi joies et peines, civilisations, immenses empires mais aussi guerres et destructions... Je n'y peux rien ! en avançant, j'engendre un monde fou qui s'autodétruit. Certains me traitent de monstre qui dévore ses enfants... Et je ne peux, chevrette, te rendre ta souplesse de jeune cabri. Merci quand même de m'avoir remonté... et si tu me retrouves, s'il te plaît, fais-moi encore faire un grand tour de pré, çà remontera le mécanisme : une fois par mois suffira !"
L'ennui, c'est qu'une chevrette ne sait pas ce qu'est un "mois" !
Je laissais donc là cet objet étrange, sans doute perdu par quelque humain, en me promettant toutefois de m'amuser encore avec lui, si jamais je le rencontre de nouveau...
Ceci est le 19ème conte de la Chèvre : pour lire les autres contes, cliquez sur la catégorie "contes de la chèvre"

Lundi 2 avril 2007 à 20:01

Pourquoi ce matin, ma prairie préférée est-elle pleine de mignons petits agneaux potelés au corps recouvert de doux duvet laineux ?
Un peu perdus, ils errent dans la prairie, cisaillant délicatement de fines herbes printanières au passage. Qui les a ainsi regroupé dans ce pré habituellement désert ! Leurs bêlements grêles et plaintifs font peine à entendre.
A l'un d'eux je demande : "Petit agneau, où est ta mère, la brebis"...
Il me répond "Ce matin, ils sont venus à l'étable, et nous ont séparés de nos mères... J'ai envie de lait !" et, instinctivement, le voici qui cherche sous mon ventre quelque pis. D'un petit coup de corne, gentiment, je le décourage.
Au loin un bruit de moteur : un grand camion cule à la grille du pré ; 2 vantaux s'ouvrent, un plan incliné s'abaisse. Du fond du camion on entend bêler une brebis. A cet appel, un premier agneau se précipite, et, grégaires, tous suivent, grimpant maladroitement jusque dans le camion. Le plan incliné se relève. Et le camion part, emmenant petits corps dodus et grêles bêlements...
Je les entends de loin ! méfiante, j'ai sauté la clôture du pré : certains préfèrent le cabri !
C'est vrai, j'avais oublié... C'est bientôt Pâques, la fête de l'agneau ! 
Ceci est le 18ème conte de la Chèvre (cf catégorie "Contes de la Chèvre"

Vendredi 23 février 2007 à 16:38

Elle est sortie, je l'ai suivie...
Je suis son ombre blanche... Dans les rues silencieuses et sombres (les réverbères sont éteints), elle marche, anonyme, dans le mélange de neige et de sel durcis; elle refait sa tournée coutumière des pâtés d'immeubles voisins : dévier de ce circuit familier lui fait peur...
Besoin pourtant de sortir, de s'aérer, d'échapper à la chambre trop clean et impersonnelle de la résidence, aux bruits divers suintant de sous les portes dans le long couloir, s'évader d'un univers devenu prison à force d'être coutumier.
Simplement vagabonder dans ce méandre urbain, écouter le silence des rues, à peine déchiré au loin par quelques pétarades de moteurs indiscrets...
Et moi chevrette, je trottine sur les trottoirs derrière ma maîtresse : je suis sa part d'imaginaire, son échappée hors des contraintes rationnelles, son passeport illusoire pour le brin de folie...
Derrière elle et en elle : je le sais, elle adore que je vienne brouter sur les plates-bandes interdites des raisonnements trop logiques, des pensées trop ordonnées...
En marchant devant moi, enserrée frileusement dans ses vêtements d'hiver, tête et chevelure invisibles sous l'ample capuche, dans ce petit vent glacé, à quoi pense-t-elle, que cherche-t-elle ? une paix intérieure ? un sens à sa vie ?
A quoi bon ces efforts, ces années d'étude si on n'est pas sûr de vivre longtemps ? Qu'est-ce qui est le plus vital dans une vie courte, le devoir ou la jouissance ? A trop en "vouloir" au nom du devoir, l'homme se victimise-t-il lui-même... Mais, à l'inverse, la jouissance elle-même n'est que succession de petits plaisirs... et le plaisir, c'est comme quand tu appuies sur la touche d'un piano : une note cristalline ou voluptueuse qui s'échappe et s'envole à tout jamais, si futile et brève !
Brusquement, la bise se fait plus cinglante. Elle serre son manteau et hâte le pas. Il est temps de remonter vers l'inéluctable chambre-dortoir, de clore la fenêtre de lumière sur la nuit avide, de rincer le bas des pantalons et les souliers pour en diluer le sel.
Et moi, j'attends impatiemment qu'elle s'étende sur sa couche ! Alors, je poursuivrais en son esprit ma sarabande de chevrette follette pour brouter sans pitié tous ces boutons de fleurs violettes ou sombres... Dans le demi-sommeil, elle sait moins se défendre et j'ai le champ libre...
Je déteste la sentir trop sérieuse...

Vendredi 2 février 2007 à 23:20

Je fouine ... museau soulevant à grandes mottes rageuses cette neige, pattes crevant la fine couche de gel qui couvre le blanc manteau...
Chevrette perdue, je hume sous la neige... Par ci par là, des friandises gelées, bourgeons de fleurs ou brindilles vertes, vestiges d'un Décembre trop tiède. mais tel n'est pas le but de ma quête...
Je ne sais pas ce que je cherche, mais je sens que je dois trouver... Une étoile, une amitié, une voix ? Quelle est la clé de ce mystère ? Un instinct sourd me guide, impérieux...
J'entre sous la futaie lourde de flocons... Accrochés à ma fourrure, ils fondent en perles...
Cette muraille de houe luisante de vert,  devant moi, je m'y risque.. et je dégringole, pattes repliées sous moi, dans un trou.
Une sorte de puits, , une vieille porte voûtée qui s'offre... J'entre... téméraire, mais il faut !
Il fait noir... narines frémissantes, je hume dans cette salle obscure des odeurs familières...
Le silence me saisit... Il est profond, aussi opaque que l'ombre qui m'entoure
Au fond, il y a quelqu'un, quelque chose, je ne sais pas... Mon 6ème sens...Ma race sait flairer le danger... Mais là, la présence semble douce, bienveillante... J'avance, prudemment,  cornes en avant, au cas où...
Sur la paroi, deux YEUX, rien que deux YEUX, vivants, étincelants même, me scrutent...
La voix est profonde : "Que cherches-tu, chevrette ?"
"C'est bien mon problème... je cherche, mais je ne sais pas quoi ! et toi, le REGARD, qui es-tu ?"
"Question sans réponse, chevrette... Je te regarde, et que celà te suffise ! Depuis que tu fouines là-haut, je te regarde. Et c'est moi qui t'ai attirée ici, loin de tout, en ce lieu caché.
Mais je n'aurais pu t'y attirer si tu n'avais pas été à l'écoute... C'est bien, chevrette, reste toujours à l'écoute..."
"Ecouter quoi ?  écouter qui ? Il y a tant de bruits, tant de paroles là-haut !"
"Flaires, choisis ! Tout se dit, mais tout n'est pas bon à entendre, et encore moins à retenir !"
Je frissonais soudain... et pourtant en la tiédeur de cette caverne il devait faire meilleur que là-haut, dans l'herbe gelée...
Les YEUX alors me pénétrèrent au plus intime... se firent plus brillants, incisifs, et voilà qu'ils me réchauffaient...
Je ne puis dire combien de temps celà dura... Puis soudain, les YEUX disparurent.
Seule la voix me dicta : "A présent, chevrette, remonte là où est ta place... Tu verras plus clair désormais. Ces YEUX, ce sont ceux de ton coeur..."
Je me retrouvais, engourdie par le froid, dans la prairie gelée... Avais-je rêvé ?

Vendredi 15 décembre 2006 à 21:37

Moi, chevrette, je me décide à vous écrire de nouveau un conte
depuis ce lointain pays où je me sens bien petite : car ici règnent l'imposant Caribou et le dangereux Grizzli ! Ici on nomme "chèvre" mes cousines au pelage fauve et tacheté nommées ailleurs "biche". Dépouillée de tout nom, me voici aussi invisible qu'anonyme : on ne voit pas ceux qu'on ne peut même nommer !
Et, sans mes amis écureuils, je serais bien seulette ! 
Avec eux, je cherche la nourriture sous la neige ou le givre, car à l'automne doux et humide succède maintenant l'hiver rigoureux.
Ces temps-ci, les villes sont illuminées d'immenses sapins décorés, et les gens trottent sur les trottoirs, affairés, courent les magasins, pressés de dépenser l'argent que, pleurent-ils, ils n'ont pas !
Loin des lumières artificielles, sur le Mont Royalune montage au dessus de ma ville, je suis montée par ce crépuscule de brusque redoux...En bas, la ville phospore et bruisse !
Ici, dans les sous-bois déserts, avec mes amis à queue empanachée, nous farandolons ! Blanche-Neige et les 7 nains, version animale !
Soudain, notre cercle devient immobile : ELLE est là au milieu de nous
scintillant encore faiblement sur le grésil brillant, une étoile chue du ciel !
Si faible et fragile, elle ne rayonne que par soubresauts.
Mais soigne-t-on les étoiles qui meurent ?
Les écureuils qui furettent partout me signalent un vieux réparateur d'étoiles au fond d'une ruelle : nous retournons à la ville et trouvons ce vieux monsieur dans son échoppe misérable : une pancarte aux couleurs délavées indique "Réparateur d'étoiles".
Il voit l'étoile mourante, que je tiens délicatement entre mes lèvres. Il la saisit, la contemple, hoche la tête et nous dit : "Une victime de plus ! Je ne sais pas si elle s'en tirera ! Mais moi, mon métier, florissant autrefois, est périmé ! Que puis-je contre la pollution et les lumières de la ville qui masquent le ciel et les étoiles !  Les stars d'aujourd'hui n'ont plus rien à faire avec les étoiles de jadis que je réparais avec amour, pour leur permettre de s'envoler et se fixer au firmament à nouveau. Ces stars craignent le ciel trop froid, le silence de l'Univers, ne supportent qu'écrans en appartements climatisés et bruits qui vont avec. Fictions éphémères et paillettes vides !
Promène-toi dans la ville, chevrette, avec ton étoile :
je suis trop vieux, démuni, mais qui sait ? la ville est vaste
et, j'en suis sûr, tu trouveras quelque être capable de rendre vie à ton étoile !"
J'allais à la porte d'un grand magasin, au service après-vente (mes amis écureuils, peu aimés dans ce genre de lieu, s'étaient cachés)
La dame du guichet compulsa son catalogue, d'un air bougon, examina l'étoile puis me la rendit : "Ce modèle ne vient pas de chez nous ! pas de pile, pas d'électronique ! Jamais vu ! même dans le catalogue des produits japonais, il est inconnu ! Nous ne pouvons donc la réparer, mademoiselle !"
J'étais déjà partie ! Mais pour aller où ?
Sur le trottoir, dehors, une jeune mère emmitouflée tend la main. Dans ses bras, une enfant, enveloppée d'un grand châle. L'enfant, voyant l'étoile suspendue à mes lèvres, pousse un cri de joie, et, innocente, de ses petits doigts, m'arrache l'étoile et la porte à sa bouche pour l'embrasser, en riant.
Et, surprise ! l'étoile soudain brille, brille, explosant de lumière !
Echappant aux mains de l'enfant qui applaudit, elle monte vers le ciel et disparaît au-dessus des lumières de la ville.
Vite, nous voici remontés en hâte sur le Mont-Royal, là où le ciel est plus sombre.
Là-haut, une étoile de plus brille et nous fait signe...

Mercredi 23 août 2006 à 18:44

Il fait un grand soleil sur ma prairie, trop beau, trop chaud !
A l'ombre d'une haie, je me couche en boule et je je ferme les yeux...
De suite un songe puissant me saisit, m'emmène au firmament. Dans les nuages, je traverse de vastes étendues, je survole les océans en compagnie des mouettes. Un Monde Nouveau s'étend à présent en dessous de moi. Forêts immenses de trembles, peupliers, mélèzes, jalonnées de lacs. Une clairière d'herbe verte semble se précipiter vers moi et me voici sur pattes, petite tache blanche perdue dans cette immensité verte. De violents odeurs de sucs végétaux excitent mes papilles; gourmande, je grapille goulûment des herbes inconnues de moi.

Sans m'en rendre compte, je me suis hasardée près de la lisière de la forêt. Un craquement me fait lever la tête : un immense animal, poil brun et blanc, cornes démesurées, m'observe...Il doit bien peser 5 fois mon poids et faire 3 fois ma taille. Impressionnée, je baisse la tête et chevrotte.
Mon ancêtre ?

L'ancêtre me parle : "Tu es perdue ici, petite chevrette ! D'où viens-tu ?"
"D'un village en France ! "
"Ah, tu es donc presque un animal de compagnie ! tels chats et chiens ! ayant perdu toute sauvagerie et méfiance ! Une nuit ici, et te voilà croquée, par l'ours grizzli qui rôde dans ces forêts ou encore plus par lynxs et loups. Nous, caribous de Gaspésie, notre taille nous protège des ennemis. Qui t'a conduite ici, petite chevrette perdue ?"
Je réfléchissais, très apeurée : comment lui avouer ?
"J'ai fait un rêve, et je me suis retrouvée ici !"
Cette révélation étrange ne parut pas surprendre le caribou ! Il acquiesca même "Cà ne m'étonne pas ! les rêves sont toujours dangereux. Ils vous emmènent, surtout les jeunes femelles comme toi, là où vous ne devriez jamais vous aventurer. Et pourquoi as-tu fait ce rêve ?"
"Je pense que j'en avais assez de mon pré et de mon village perdu des Gaules ! je rêve de grands espaces et de voyages ! " me surpris-je à lui répondre. (Quelle menteuse je fais ! moi qui ai si peur de l'inconnu !)
"Alors méfie-toi de tes rêves, et, si tu veux les suivre, pars armée de courage ! Ici, dans ce Nouveau Monde qui te séduit tant, sache que c'est chacun pour soi ! Notre principal ennemi n'est pas l'ours ni le loup, mais l'homme, stupide chasseur, cupide et égoïste qui détruit les caribous pour le simple plaisir d'orner de nos bois sa salle de séjour. Ce pays de Canada est froid et dur"
Un cri rauque derrière un tronc me fit tourner la tête : là, tout près, un loup pointait son museau ! L'immense caribou détala en me criant : "Sors de tes rêves, chevrette, et vite !"
Dans mon pré, brusquement, je me suis réveillée, le coeur battant la chamade !

Un cauchemar !
j'ai encore dû, par mégarde, croquer la fleur du vénéneux hellébore !

Ainsi se termine cette série des 14 contes de la Chèvre
Je ne voulais pas terminer sur le chiffre 13 !

Mardi 9 mai 2006 à 6:51



Mais il m'énerve ! il m'énerve !
Ce gros sanglier mâle solitaire ! Doit bien peser ses 120 kgs ! Heureusement d'ailleurs, parce que quand il me fonce dessus, il ne peut pas s'arrêter.
Moi, chevrette légère, j'ai fini par en faire un jeu : à côté d'un tronc de chêne liège, un peu robuste,  je lui sors un petit chevrotement de défi : il démarre au quart de tour, tête baissée, ses énormes défenses blanches pointant vers ma fourrure blanche , et fonce ! Hop, un petit bond derrière le tronc, et cet idiot se tape le tronc avec un grand coup sourd. Heureusement, ce n'est pas la saison des glands : j'en serais toute arrosée, tellement çà secoue l'arbre ! Et moi, derrière le tronc, je rigole et lui fais le même coup un peu plus loin, derrière un autre chêne. Je suis plus agile que lui : je sais sauter sur un rocher, alors qu'il doit faire le tour, et quand il arrive sur un talus, j'en bondis alors qu'il hésite à sauter en bas ! Un gros balourd !
Il n'est pas complètement idiot heureusement ! Au bout de 3 jours de ce grand guignol, à se faire des farces, il a compris qu'il n'aurait jamais le dessus, et que je ne suis qu'une chevrette inoffensive. Il se contente de me voir arriver maintenant en levant son énorme groin, grogne un coup, mais j'ai compris qu'il est aussi bigleux qu'il a l'ouïe fine et l'odorat développé. Il me voit mal. Alors j'arrive "dans le vent" pour qu'il sente bien mon odeur, que je ne suis pas un chasseur en T-shirt blanc, bref qu'il se rassure ! et je pousse des petits cris de chevrette gentille. Du coup, maintenant, çà va ! Je peux même mener ma quête de bourgeons parfumés à ses côtés, pendant que lui farfouille le sol.
Et je l'accompagne même à son "bain" : la "baignoire", c'est une immense flaque de boue brune, où je n'oserais pas risquer mes "converses" de chèvre, de peur de les salir.. Lui se vautre, se roule avec délices, s'y frotte le dos, pattes en l'air, ventre obèse s'étalant sans pudeur, queue frétillante de satisfaction. Puis debout, s'ébroue comme un jeune chien : distance, hein, parce que çà arrose et çà tache à 5 mètres à la ronde ! Ensuite, épuisé, il  se couche !
C'est après un de ces "bains" dans sa bauge que j'ai pu lui parler. Excusez-moi, mais c'est un peu du style MSN : il ne parle pas, il grogne, et en plus, il a un crin sur la langue, et il "chuinte" !
Moi : "C'est quoi ton nom ?
Lui : 
"Grrnuff ! un gnon, chè koi cha ?"
Moi :
"??? ... bon, çà fait rien, moi, je t'appelle Grisou ! Pourquoi t'es toujours tout seul ? elle est où ta femme ? "
Grisou (secoué de rires) : "Grrniff ! Grrniff ! MA femme ? quelle idée ! MES femmes ! toutes les laies que che rencontre et que che flaire comme "mûres" chont à moi, grrniff !"
Moi (très savante !) "Alors tu es polygame... et tu as plein d'enfants, de petits marcassins".
Grisou : "Les chtits, ch'm'en fous !  pas mon affaire !  affaire de femmes, chà !  Mais ch'il y en un tout chtit qui traîne, perdu et à moitié-mort, che le croque ! Ch'adore le chtit marcachin de lait !  N'avaient qu'à pas quitter leur mère, voilà !
Moi : je me tais, horrifiée...
Mais
lui continue : "Mais ch'adore quand ils deviennent grands ! Chà fait plein de petites laies adorables au printemps ! et alors che chuis très occupé à m'occuper d'elles, hein" (gros rire gras de Grisou !)
Moi : "et les garçons alors ?
Grisou :"Faut pas qu'ils traînent pas là, hein ! si che les vois à tourner autour d'une de mes filles, che les étripe ! avec mes défenses, font pas le poids devant moi ! De toute façon che chuis le seul solitaire du coin : pas de concurrent !"
Je ruminais un moment ! Ce vieil égoïste, puissant,
cruel et si sûr de lui : il m'impressionnait !

"Quand même, Grisou, d'être toujours tout seul comme çà, tu dois t'ennuyer ! jamais d'amis ?"
Grisou :"Tu es jeune, chevrette ! les amis, vois-tu, ch'est illusions de jeunesse ! Jeunes, en bande, nous allions à plusieurs grapiller dans les vignes de la vallée. Les vendangeurs ont sorti les fusils et chiens, et che chuis le seul churvivant ! Non, pas d'amis ! dangereux, on che fait repérer et alors gare !"
Moi : "Et ils viennent jamais te chasser, toi ?".
Grisou :"Chûr, qu'ils viennent ! Ch'ai déjà ouvert le ventre de plus d'une dizaine de leurs chiens ! Rusé, moi ! che connais toutes les sentes, les passages sous les fourrés; mon odeur attire les chiens : il en est toujours un qui che perd, seul, derrière moi. Alors son compte est bon ! et le chien étripé, hurlant à terre, terrorise les autres qui arrivent ! Che chuis déjà loin ! Et, toi, chevrette, écoute le conseil d'un vieux solitaire : méfie-toi des amis... Pour s'amuser avec toi, ils sont tous là ! Mais, s'il y a danger ou pépin, sur 10, il ne t'en restera qu'un ou 2, au plus."
Soudain Grisou leva son groin et huma l'air...
"Chevrette, monte la pente, là devant toi, puis va à droite contre le vent. Va y avoir du grabuge ! Allez ! oucht ! file vite !"
J'entendis des aboiements et, à triples bonds, me sauvais par la voie que Grisou m'avait désignée.
Derrière moi, les aboiements s'amplifièrent, devinrent vacarme, puis s'éloignèrent... Les chiens étaient sur la piste de Grisou sans doute....
Le lendemain, dans la vallée, le maître d'un énorme bouledogue se lamentait. Le vieux solitaire avait laissé son  molosse pantelant, éviscéré, sous un fourré ! Les petits enfants, que ce gros chien terrorisait quand ils allaient à l'école, respirèrent mieux !
Ceci est le 13ème des contes de la chèvre

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