Tu pourrais être ma mémé. Perdue là-haut dans l’immeuble,
Tu ne descends que pour les courses… tes jambes sont fatiguées…
Quand on te voit, par hasard , tu t’accroches à la rampe de bois
Le vieil immeuble d’avant-guerre n’a pas d’ascenseur.
Voûtée, tu trottines lentement, vers le magasin le plus proche…
Tous les jours, à la même heure, le même cheminement
Un ½ lait, ½ baguette, ½ bouteille d’eau
tout par demi, même la tranche de jambon !
L’épicier du quartier sait d’avance… depuis des années !
Car après il te faut remonter le vieil escalier, marche par marche
Le cabas à la main, et c’est trop lourd pour toi
Un jour, tu ne pourras plus !
Ta voix est un souffle éraillé,
que tu économises, comme tout.
Personne ne t’entendra appeler…
On te retrouvera, morte, séchée
Par la grande canicule brûlante de l’été.
Tu t’éteindras comme tu as toujours vécu
En silence… A la rentrée, radios et télés
Crieront scandale, dans les studios climatisés,
Sur nos anciens qu’on abandonne ! puis l’oubli !
Là-haut, dans le ciel, une petite fille t’écoutera peut-être
Raconter des bribes de vie, des brins de plaisir
Elle saura peut-être de toi quelles joies elle a ratées
Mais aussi à quelles douleurs elle a échappé