Chevrette Nomade

Il y a un an

Il ne se passait rien...

Mardi 22 décembre 2009 à 19:23

Elle avait froid, malgré le grand voile qui cachait aux passants la fraîcheur de son visage de 17 ans.
Cet enfant dans son ventre se faisait impérieux et tapait des pieds. Il l'épuisait et elle avait soif et faim.
Tout avait été si vite : cette traversée chaotique du détroit dans une barque surpeuplée,
la surprise sur la plage où aucun garde ni douanier ne les attendaient,
la fuite de tous dispersés vers la grande ville au bout d'une route proche.
Cette grande ville occidentale : ils l'avaient tant espérée, et à présent qu'ils l'avaient atteinte,
elle les avait avalés comme des ombres qu'ils étaient...
Se faire discrets, invisibles, telle était la consigne du passeur.
Son homme, aux abords du port, avait immédiatement été embauché :
les mandarines de Noël n'attendent pas la cueillette.
Il était parti avec les autres, en camion, lui soufflant "Attends moi ici, je reviens ce soir".
A présent la nuit, et, autour d'elle, les bâtiments du port se faisaient sinistres.
Elle n'osait donc s'éloigner, attendant "son homme"...
Et s'il l'abandonnait ? après tout rien ne les liait, tant cette grossesse avait débuté mystérieusement...
Une voyante, de l'autre côté de la mer, leur avait dit que cet enfant serait un prince...
mais elles disent toutes çà, pour avoir une piécette de plus !
Soudain, elle ressentit de violentes contractions et cette inondation entre ses cuisses...
A peine le temps de se réfugier au milieu de cageots vides, à l'abri d'un édicule.
Elle hurla de toutes ses forces sa douleur de parturiente...
Personne ne l'entendait, sur ce quai portuaire désert à minuit.
Debout au milieu des caissettes elle enfanta, et l'enfant tomba,
sur des alvéoles de carton bleu destinées à accueillir des oranges...
Se souvenant des gestes des femmes de son village, seule, elle fit tout ce qu'il fallait faire.
Quand elle eut fini, se fut essuyer corps et visage avec des papiers qui traînaient ci et là,
elle regarda le ciel, le bébé accroché à son sein.
Mais nulle étoile n'y brillait, nul ange n'y chantait : seule la lumière blafarde des pylônes du port ...
les légendes ne se répètent pas... La misère, elle, oui, à l'infini !
http://maud96.cowblog.fr/images/naissancemisere.jpg
Par monochrome.dream le Mardi 22 décembre 2009 à 19:33
Il y en a qui tuent le veau gras pour Noël en famille. Et d'autres qui, dans le même temps, en sont réduits aux stricts gestes de survie et parfois, pire, au seul "espoir". Quel caprice de luxe que nos festivités...
Par MissPa le Mardi 22 décembre 2009 à 19:48
Une histoire parmi tant d'autre, réelles ou imaginaires, de gens qui souffrent...et pourtant, une seule de ces histoires devrait suffir à nous rappeller que ces gens existent et souffrent.
Mais lorsqu'on ne ressent pas la souffrance, la peur, le doute, la tristesse...il est si facile de les oublier.
Joyeux Noël pour tous ceux de la Triade, pour certains des payes émergents, pour peu des pays en développement et pour les dictateurs des PMA...
Par Paskale le Mardi 22 décembre 2009 à 20:56
C'est une douce pensée pour ces malheureux en cette période festive où hélas plus rien ne compte que d'avoir son cadeau et son verre à la main.

Bisous petite chevrette toi qui a toujours la pensée qu'il faut!!!
Par alyane le Mardi 22 décembre 2009 à 21:06
Quand je vois les montagnes de nourriture qui sont achetées et seront mangées pendant ces jours de festivités, je pense à ceux qui vivent même plus modestement dans nos contrées qui adhèrent à la Banque alimentaire, sans parler de ceux d'autres pays...
Ton texte émouvant en rappelle d'autres...
BOnnes fêtes
Par glandeur-rockmantique le Mercredi 23 décembre 2009 à 13:39
Texte très fort. Il serait beau s'il n'était si terrible.
Noël, c'est aussi la période où on a envie de redevenir utopiste (encore plus que le reste du temps). Parce que dans les images qu'ils nous propose, tout est toujours beau à cette époque, trop beau. Heureusement qu'il y a des mots comme les tiens qui nous rappellent que ce monde ne l'est en aucun cas. Pas de beauté, rien de normal. Des gens qui s'étouffent de dinde aux marrons quand d'autres meurent de froid et de faim sur des cartons. Putain d'hiver.
Par Paskale le Jeudi 24 décembre 2009 à 8:49
Bonnes Fêtes Maud,plein d'amour et de tendresse autour de toi!
Un très Joyeux Noël!

Gros Bisous de tendresse!
Par pelote le Jeudi 24 décembre 2009 à 9:36
Oh ! Un conte moderne qui dénonce l'inacceptable.
Depuis quelques mois je pense à ces femmes qui migrent et qui enfantent dans un nouveau pays, loin de tout l'étayage familial et culturel de transmission. Ce que tu décris est particulièrement dur, mais sans aller au-delà, même en accouchant dans des conditions "correctes", je crois que de la détresse qui ressort de la femme que tu écris, on peut l'imaginer aussi chez ces autres "nouvelles" mère dans un pays loin de leurs racines. Et nous, trop préoccupés par nos petits nombrils à se sentir "envahi" par la migration alors que de tous temps, l'homme a voyagé pour trouver un territoire où vivre mieux. Bref, c'est un sujet qui me questionne en ce moment, et je ne sais pas trop comment penser les choses, mais ton texte m'a beaucoup plu.
Par Hékate le Jeudi 24 décembre 2009 à 14:38
Bonjour Maud ,en te lisant ,je vois que c'est dans cette idée que j'ai publié un billet sur Jehan-Rictus ,le poète des sans logis.Et une lecture de la Charlotte priant Notre Dame le soir du Réveillon.
Que le tien soit plus joyeux!
Amicales pensées.
Hécate
Par Mybabou le Jeudi 24 décembre 2009 à 16:40
Très bonnes fêtes de fin d'année petite chevrette
Prends bien soin de toi
Gros bisous tendres
 

crottes de chevrette

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