Elle lui expliqua que les adultes avaient peur de toutes sortes de choses, de vieillir,
de mourir, de ce qu'ils n'ont pas vécu, peur de la maladie, peur parfois même du regard des enfants, peur qu'on les juge…
« Tu sais pourquoi on s'entend si bien, toi et moi ? parce que je ne te mens pas,
Que je te parle comme à un adulte, que je n'ai pas peur : j'ai confiance en toi… »
Lili (la maman) emmena Arthur (l'enfant) au port, à leur barque, pour pêcher.
« Allez, rame, mon chéri ! » L'esquif s'éloigna du bord au fur et à mesure que le petit garçon peinait sur les avirons. Lili avait déjà sorti les palangrottes du panier et appâté les hameçons.
Ils étaient tous 2 assis face à face, silencieux …
Elle le regarda intensément et lui demanda d'une voix inhabituelle ; « Arthur, tu sais que je ne sais pas nager ! Que ferais-tu si je tombais à l'eau ? » « Je viendrais te chercher ! », répondit l'enfant. Lili se mit aussitôt en colère : « C'est stupide, ce que tu dis ! » Arthur resta figé par la violence de la réponse ! Lili criait : « Seule ta vie a de l'importance, ne l'oublie jamais et ne commets jamais l'outrage de jouer avec ce cadeau unique ! Jure-le ! » « Je le jure ! » avait répondu l'enfant apeuré. « Tu vois » dit-elle en se radoucissant « que tu me laisserais me noyer ». Alors le petit Arthur se mit à pleurer. Lili recueillit les larmes de son fils du revers de son index. « Si je tombais à l'eau, tu ne te jetterais pas pour me sauver, ce serait une bêtise. Ce que tu ferais, c'est me tendre la main pour m'aider à remonter à bord, et si tu échouais et que je me noyais, tu aurais l'esprit en paix. Tu aurais pris la bonne décision de ne pas risquer de mourir inutilement, mais tu aurais tout tenter pour me sauver »
Tandis qu'il ramait vers le
rivage, elle prit la tête du petit garçon dans ses mains et l'embrassa
tendrement sur le front : « Je t'ai fait de la peine ? »
« Oui, tu te noieras jamais si je suis là, et je plongerai quand
même dans l'eau, je suis bien assez fort pour te ramener ! »
Lili s'éteignit quelques mois plus tard, aussi élégamment qu'elle avait vécu.
Au matin de sa mort, le petit garçon s'était approché du lit de sa mère :
« Pourquoi ? on était si proches, pourquoi ne m'a-t-elle pas dit
au revoir ? » L'homme posa ses mains sur les épaules de
l'enfant : « Elle n'a pu faire autrement, on n'invite pas la mort,
elle s'impose ! »
Extrait « adapté » de Marc Lévy « Et si
c'était vrai », (Pocket, p.151)
Dédicace
pour toi, Lorène, qui
souffres... et tous ceux qui ont perdu leur mère