Chevrette Nomade

Il y a un an

Il ne se passait rien...

Dimanche 17 juin 2007 à 14:34

Vous m'avez tant désirée, toi et maman
et mes grands frères : petits coquins, tout fiers
de montrer à leur petite soeur dans la baignoire
qu'ils avaient, eux, un zizi ! et moi émerveillée !

Petite princesse je suis née, comblée de bisous,
Trop sans doute, les petits derniers, c'est comme çà !
Mais avec toi surtout : câlins infinis, à rendre jalouse maman
et j'en voulais toujours plus, et maman de gronder !

Que cherche une petite fille dans son père ?
Des grands bras robustes, qui enveloppent et sécurisent,
Branches fortes auxquelles s'agrippaient mes menottes,
Une voix profonde,  qui me rendait d'instinct coite

Bisous qui piquent sur peau mal rasée, poils drus,
Besoin de tâter le rugueux, la peau rêche, de déplier ces gros doigts
et de se sauver, coquetterie, en hurlant, sans y croire :
"Papa, tu piques et tu sens pas bon : je te déteste !"

Tout était permis à la petite fille "normale" !
Et puis, un jour, à mon insu, j'ai changé de statut...
Expertises médicales : tant de choses désormais défendues !
Ce fameux gène qui m'a fait déchoir en potiche fragile !

Vous n'étiez plus les mêmes avec moi, ni toi ni maman...
Votre regard avait changé ! l'enfant ne sait pas, mais il sent...
Et ces "vacances de ski"... sans ski, et le cheval, pas pour moi
et ces profs de gym qui me mettaient à l'écart devant toute la classe.

Trop petite pour comprendre, et surtout rien de sûr :
Surtout ne pas alarmer une enfant quand la maladie
ne s'affirme qu'à la croissance : je comprends aujourd'hui votre silence
mais alors, je me sentais coupable... coupable sans savoir pourquoi...

Et puis, les tests, le temps de la croissance, quand le mal se découvre,
Que l'on respire court, que le coeur ne veut pas suivre...
Mais déjà trop "grande" pour me réfugier dans tes bras,
non pour rire désormais, mais pour pleurer...

Alors, tu m'as parlé, longuement, un soir, tout expliqué,
ce qui était sûr, confirmé, et ce qui pouvait être risqué,
mais qu'il fallait attendre, et surtout rester calme, grandir,
adolescente à l'apparence normale, mais la bombe en moi.

Ce soir-là, tu m'as donné de ta force... J'ai débuté mon apprentissage
Et tu m'as emmenée en vacances, à Haïti et Saint-Domingue,
en Thaïlande et au Cambodge, au Cameroun et au Gabon,
là où les touristes ne vont jamais, où les enfants souffrent.

Et j'ai appris partout, dans la boue des pluies de mousson,
sous les baraques de tôles, dans la chaleur et les moustiques,
à sourire, comme tous ces enfants, sans soins, si peu nourris,
certains peut-être eux aussi malades, mais sans le savoir...

Et j'ai compris que je n'étais qu'une étincelle parmi d'autres,
dans un immense brasier qui brasse et brûle tout ...
Une étincelle ne se plaint pas, elle brille un temps et s'éteint
Et de retour en France, je sentais toujours plus l'artifice des choses.

La rentrée dernière, tu as voulu que je prenne mon essor, seule,
L'oiseau au nid reste trop dépendant, il faut l'aider à voler...
C'est dur ! et je goûte ce plaisir d'être revenue en vacances au nid...
Plus tard sans doute, j'apprécierai, mais déjà pour ce qui a été avant,
Merci papa !
Par pas-un-ange le Dimanche 17 juin 2007 à 14:48
Hommage très émouvant...Je suis aussi déjà allé dans certains pays ou, comme tu le dis, les touristes ne vont pas. Il est vrai qu'on apprends alors à relativiser et à vivre plus intensément. Ce qui m'avait marqué au premier abord, en arrivant pour la première fois dans un pays dit "pauvre" , c'est que même dans la pauvreté et le malheur, les gens continuaient à sourire et à garder espoir...
Par que-vent-emporte le Dimanche 17 juin 2007 à 15:07
Oui.
Par ticow le Dimanche 17 juin 2007 à 15:13
C'est beau...Que dire? Le mien veut que je prenne mon envole cette année ^^
Par Le-VIOC le Dimanche 17 juin 2007 à 15:17
c'est dans la misère des autres que l'on oublie la sienne!
comme d'habitude tes mots touchent,
l'épreuve de ta vie fait brouiller les yeux, la force est ensemble
tu as un bon support la "potiche fragile" sera et est plus forte!
c'est vrai que des peines cachées se ressentent par le cœur!
le premier envol est toujours une angoisse pour tout le monde,
mais votre vie veut que se fasse cette séparation pour sa continuité!
gros 88
Par kaze le Dimanche 17 juin 2007 à 16:18
Je pense que cela lui ferait vraiment plaisir de lire un tel texte, quel beau cadeau !
Par pilgrim.II le Dimanche 17 juin 2007 à 19:44
Aujourd'hui notre grande maladie est de parler pour ne rien voir. Je saurais maintenant!!!

Magnifique texte d'une incroyable envie de dire je t'aime!

Gros calins pour toi et bon envol ;) mais pas trop loin... Tu manquerais !
Par soft-snow le Dimanche 17 juin 2007 à 21:37
Je copie-colle cet article pour le lire sur mon ordi portable :)
Et t'enverrai mon commentaire demain ou dès que possible.
Bisous !
Par soft-snow le Lundi 18 juin 2007 à 15:50
C'est formidable d'avoir des parents comme ça, qui t'empêchent de te laisser abattre, qui t'encouragent à continuer encore et encore et toujours,sans te plaindre, à te dire que subir n'est pas une fatalité et que quand bien même fatalité il y aurait, tu peux te prendre en main et décider de ne pas l'attendre (la fatalité). Je crois surtout qu'on vit pour courir, pour tester, pour voir, pour apprendre, je le crois oui je te jure, simplement après ce n'est qu'une question de force d'esprit. Il faut les bonnes personnes à nos côtés, les bons mots, les bons gestes, les discussions qui rassurent, mais il faut aussi se sentir autonome. Tu vois, pour l'estime qu'on se porte. Ca ne doit surtout pas s'effondrer, ça. Ni l'ambition, parce que c'est ce qui fera le moteur de tes expériences et ce sont elles qui, mises bout à bout, assureront ta force et ton envie de continuer. Les trois avant-dernières strophes chevrette, sont tombées à pic hier. J'ai pleuré de soulagement en les lisant, au sens propre du terme. Parce qu'en ce moment j'ai tellement besoin de mots comme ça. Même si ce que j'ai n'est pas aussi grave que bien des maladies, j'ai l'impression d'être moins seule quand même, l'impression qu'on partage un mal-être, physique, émotionnel, c'est peut-être gonflé de te dire ça à toi, mais je n'ai pas ton courage et sais-tu pourquoi ? C'est bête, c'est une histoire d'amitié qui n'en finit plus de déraper en entraînant mon moral dans son sillage. Je suis sûre que si Elle était là (tu sais de qui je parle, comme dans le mail) sans s'énerver sans cesse contre moi quand la peur me fait dire des sottises, je suis sûre que ça irait mieux, que je saurais tout supporter. Qu'elle ne me raccroche pas à la figure deux fois dans la soirée en me disant que je la soule (je cite !) alors que je suis encore dans le gaz après crises d'angoisses dues à une non-accoutumance au Seroplex. Je ne sais pas pourquoi les gens sont comme ça. (suite)
Par soft-snow le Lundi 18 juin 2007 à 15:50
(suite) Pourquoi ils nous laissent en plan au moment où on aurait tellement besoin de leur soutien. Ce genre de réactions de la part de ceux en qui j'avais placé toute ma confiance empire tout. C'est comme s'il n'y avait plus personne et que je devenais sans le vouloir un poids pour tout mon entourage. Le psychiatre m'a demandé de prendre une année sabbatique l'an prochain, ce qui me fera deux ans de retard avec celle que j'ai déjà perdue à l'esstin. Quant à la psychologue, je dois la voir demain à 19H et elle me dira à ce moment là si elle peut où non m'aider. Quoi qu'il en soit, elle dit que ça sera long. Un an, peut-être plus. Ca n'arrangera rien côté solitude, si je dois prendre des cours par correspondance. Quoi qu'il en soit pour ces dernières strophes, merci. Merci d'être là, d'exister, d'être si lucide et compréhensive, et merci pour l'exemple de courage que tu me fournis chaque jour. Je tiens à toi aussi, et tenais à te le glisser dans un commentaire, parce que c'est tellement vrai que je ne vois pas pourquoi n'importe qui n'aurait pas le droit de le savoir :)
Je t'embrasse, il était si beau ce texte.
Par que-vent-emporte le Lundi 18 juin 2007 à 22:01
Ce texte, je le lis et je le relis.
Par Adosolent le Mardi 19 juin 2007 à 14:25
Quel magnifique texte...
J'en suis bouche bée ...
T'es vraiment quelqu'un de magique !
Rhooo, j'sais plus quoi dire, j'en ai pas les mots :$
Par dan le Lundi 25 juin 2007 à 17:08
touchant
moi qui suis papa !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Par Shadow-diary le Mardi 26 juin 2007 à 11:16
Et bah moi avec mes écrits je peux aller me coucher. C'est si nulle par rapport à toi.
Je sias pas quoi dire, c'est très beau... Quand je lis des trucs aussi beau, j'ai envie de tout claquer et d'arrêter d'écrire!
Par love-is-all le Jeudi 28 juin 2007 à 13:36
Très émouvant.
Par monochrome.dream le Lundi 16 juin 2008 à 11:07
Un texte que j'ai souvent relu...
Par Flotte le Samedi 13 mars 2010 à 9:43
Je découvre ton texte, et je me dis que tu es bien plus forte que la plupart des gens que je connais. (Dont moi-même !)
Vis une belle vie, tu le mérites.
 

crottes de chevrette

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