Chevrette Nomade

Il y a un an

Il ne se passait rien...

Mardi 30 octobre 2007 à 20:56

A Lyon, un des jours qui précèdent la Toussaint, c'était un rite : avec mon père, on allait toujours à pied au cimetière pas très loin de chez nous, lui et moi.
En général, le ciel pleurait ou fronçait les sourcils. Il n'y avait personne de notre famille dans ce cimetière lyonnais, mais mon père tenait à visiter la tombe d'un ancien camarade de travail. Avant d'entrer dans le cimetière, il fallait résister aux offres de la dizaine de garnements du quartier qui offraient, contre piécettes, leurs services pour porter les fleurs sur la tombe. Pour eux, de fraîche immigration, le cimetière n'était pas lieu de souvenirs, mais occasion d'argent de poche.
Du côté où on entre depuis chez nous dans ce cimetière, il y a une énorme bâtisse, avec un dôme comme une église, où de 9h à 12h et de 14h à 17h en semaine on peut brûler les morts. Les Samedi et Dimanche, on leur fout la paix. J'ai su, plus tard, que cette bâtisse s'appelait un "crématorium". Je ne voulais pas être brûlée ! ... des fois que je ne serais pas tout à fait morte, ce serait horrible !
Et puis, il y avait les tombes des autres morts, ceux qu'on avait enterrés. Des tombes bien rangées les unes à côté des autres, très serrées. Dans un cimetière, c'est pire que dans le TGV ou l'avion : on est très serrés, pour l'éternité !
Je lisais les noms et les dates sur les tombes : la plupart des gens étaient morts très vieux. Le plus souvent, le Monsieur était mort avant la dame. Il y avait des tombes familiales où les dates s'alignaient sur 2 siècles : 1814, 1935, etc... Le plus souvent, on ne savait pas pourquoi les gens qui étaient sous la pierre tombale étaient morts... sauf une tombe, que je remarquais à chaque fois, celle d'une fille de 16 ans qui était morte en 1944 et derrière la date, était noté : "victime du bombardement de Lyon".
Il y avait des tombes où une étiquette en métal rivetée marquait "Fin de concession. Prendre contact avec la division funéraire". Mon père m'avait expliqué que les morts de ces tombes n'avaient probablement plus de familles pour payer la location du terrain à la ville. Donc ils risquaient d'être expulsés et leur tombe détruite. "Et leurs os, qu'est-ce qu'ils deviennent ?" demandé-je à mon père... Il ne savait pas et m'avait suggéré que les os allaient peut-être dans une "fosse commune"... Mais celle-là, que j'imaginais comme une sorte de cratère de volcan avec plein d'os blancs et de crânes au fond, n'avait pas de monument, et je ne l'ai jamais trouvé.
Pendant que mon père était devant la tombe de son copain, moi, j'allais voir mes morts à moi : il y a dans le cimetière un coin où, cachées derrière de grosses tombes en pierre sombre (que je détestais et trouvais moches), se dressent quelques croix en bois très simples avec un seul nom "Anonyme" et la date de la sépulture. Pas de pierre, à peine un tumulus de la taille d'un lit. Dans mon esprit de pré-adolescente, çà devait être les tombes des clochards que je rencontrais dans certaines rues de Lyon : alors, j'allais voler quelques fleurs dans les énormes bouquets posés sur les tombes en pierre, à l'occasion de la Toussaint, et je posais une fleur au pied de chacune des modestes croix. Et, contente, j'allais rejoindre mon père, qui ne savait rien.
Il y a une époque, il y a 3 ans, mon coeur allait très mal et je fus persuadée que je n'en avais plus pour bien longtemps à vivre. J'ai alors supplié mes parents de ne jamais me mettre dans ce cimetière de Lyon : trop de tombeaux laids, et on est trop serré. Dans le Lot, il y a un joli petit cimetière en surplomb de la vallée. Je vais le voir presque chaque été : tout de suite en entrant à droite, sur la tombe d'un jeune homme mort accidentellement il y a 10 ans, il y a toujours une jolie guitare en pierre du pays. Je voulais être près de lui, et du vieux chêne derrière le mur du cimetière.
Par nikopol le Mardi 30 octobre 2007 à 21:12
bel article :)
pas tres gai mais joliment dit ;)
bonne soirée
Par croque-framboise le Mardi 30 octobre 2007 à 21:43
Tu dis ne ps vouloir être brûlée au cas où tu serais encore vivante...
Mais il y a quand même une vérification. Je veux dire qu'ils vérifient que l'on soit bien mort cliniquement.
Et puis ce n'est pas plus horrible de se réveiller " six feet under " , avec la panique que personne ne nous entend, et l'impossibilité de bouger. On meurt d'étouffement après avoir rongé avec les dents le cercueil.
J'ai lu un livre à ce sujet ( bien plus drôle qu'il n'y paraît, nous dirons que c'est de l'humour noir ) " Sous la dalle " de je -ne-sais-plus-qui. Il m'a bien plu.
Je me souviens que quand j'allais au cimetière,petite, devant tant de signes religieux, de pleurs, de larmes et de recueillement, je me sentais tout d'un coup très triste et toute petite.
Alors j'allais piquer quelques fleurs aux tombes les plus garnies et j'allais en cueillir dans les jardins à-côté, et je les disposais sur les tombes qui ne recevaient plus de visites, abandonnées et recouvertes de mousse. J'avais vraiment l'impression de faire une bonne action je me souviens. En fait je faisais pareil que toi ^-^ J'essayais de faire des petites sculptures au pied des tombes et je me souviens que je parlais avec. Je parlais aux photos et je trouvais invroyable qu'on puisse enterrer toute une famille les uns au dessus des autres.
Enfin bref.
Ca m'a quand même un peu minée cet article. Je n'aime pas trop penser à ça.
Sur ce...
Bonne aprèm à Montréal ! :D


Par memecamouille le Mardi 30 octobre 2007 à 21:53
C'est la période qui nous fait penser à ça...
Moi j'aimerais être incinérée. Et faire don de mes organes.
C'est vrai que les cimetières, c'est particulier. Y'a plein de gens sous terre, qui vont d'un grand-père mort en 2007 à un enfant décédé en 1945... finalement, c'est peut-être l'un des seuls lieux où tout le monde est égal (je veux dire, quand on est dans la terre, dans un cercueil en chêne avec du sation ou que dalle, et qu'on ait une magnifique sélputure ou juste un bout de caillou... ben on est mort).
J'ai l'impression que mon raisonnement est décousu mais ce que j'espère, c'est que tu ne les rejoindras pas de sitôt !
Par que-vent-emporte le Mercredi 31 octobre 2007 à 0:02
Quand je visite un village, si j'ai le temps, je consulte le monument au morts et je visite le cimetière. Pour savoir le nom des gens et pour offrir une pensée à ceux qui sont sortis de toutes les mémoires.
C'est une habitude qui me vient du déchiffrement des stèles funéraires antiques. Placées en bordure du chemin, elles interpellaient les passants.
"Pourquoi donc reste-vous près de ma tombe à gémir en vain ? Je n'ai parmi les morts rien qui mérite des pleurs. Cesse tes gémissements et apaise-toi. mon époux; vous, mes enfants, adieu, gardez seulement le souvenir d'Amazonis."
Elles sont émouvantes et dignes, mais pas toujours tristes, et jamais sordides.
"Ampélis la buveuse, qui appuyait déjà sur un bâton, guide de ses pas, sa vieillesse chancelante, allait prendre en cachette, à la cuve de vin nouveau, le breuvage d'une coupe cyclopéenne remplie jusqu'aux bords; avant de la tirer, sa pauvre main défaillit; et la vieille disparut, antique vaisseau submergé, dans des flots de vin pur. Euterpe a mis sur le tertre de la morte un bouchon de pierre, non loin des claies où le raisin sèche au soleil."
Par magie-d-etoile le Mercredi 31 octobre 2007 à 6:54
ce n'est pas un sujet très joyeux,mais bizarrement j'ai aimé lire ton article,car c'est dit d'une telle façon que si on ne finit pas notre lecture,on aura l'impression d'être passé à côté de quelque chose... =)
Par soft-snow le Mercredi 31 octobre 2007 à 11:00
Les cimetières ont des âmes, et leur esthétique fait beaucoup. En Meuse, à peut-être une heure de route de chez moi, il y a un cimetière très célèbre qui fout des frissons. Il s'appelle le cimetière des os rangés (il est à Marville). Comme son nom l'indique, les os y sont rangés : on a les tibias, les crânes, etc... Assez bizarre comme concept (et surtout, le coin est mal famé comme tu t'en doutes^^).
Quant à l'incinération je ne sais pas. Je me suis tjr dit que c'était préférable. Parce que si l'on n'est pas tt à fait mort, se réveiller dans un cercueil est peut-être pire :s
En tout cas, bel intermède de Toussaint ma chevrette.
Bisou
Par Plaiethore le Jeudi 1er novembre 2007 à 21:58
Un bien bel article en effet et une Maud qui semble se dévoiler de plus en plus...

Je n'aime pas les cimetières de France, en tous cas ceux des grandes villes ; trop de goudron, trop de gravier dans les allées qui nous cheminent comme des zombies, trop de pierre, trop de marbre, trop de fleurs factices ou fânées, trop de tralala qui côtoie le misérable.

Je préfère et de loin les grands et beaux cimetières américains ; pelouse, arbres, simplicité, quelques fleurs sauvages.
Il en existe un ainsi, tout près d'Aix-en-Provence. Les arbres sont des pins parasols et les pas croustilles sur les écorces. On entend les oiseaux, la vie qui continue.

Mais je ne veux pas être enterré, je ne veux pas être rongés par la vermine. Je préfère brûler dans un buchet sous lourd rideau pourpre, aux sons des "snif", "snouf" et "piouf" de rares personnes. C'est plus sincère, pour moi.

Bise à toi, de loin. Putain que c'est loin le Canada !
 

crottes de chevrette

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