Lourds nuages, campagne pluvieuse et froide, printemps tardif ! petite chèvre blanche, j'attends un vrai soleil qui chasse froid et tristesse. J'ai le coeur en écharpe ! De tristes événements se sont déroulés dans ma prairie, la semaine passée !
Ils ont ramené ici une connaissance, un poney blanc.
Je l'adorais, lui et sa maîtresse, douce adolescente,nommée Alaska... L'été dernier, il fût mon compagnon un mois entier,dans le pré : et ce n'était que promenades, dans les chemins autour, lui joliment harnaché, elle, sa cavalière, bottée, le montant avec tant de douceur. Tant qu'ils gardaient une allure calme, je les suivais, à ma façon : eux disciplinés,allaient droit, moi, fantasque, le moindre tendre bourgeon croquant me distrayait : après je courais à ma façon pour les rattraper ! Parfois, ils prenaient le large au galop, et, distancée, il ne me restait plus qu'à attendre leur retour... et alors je leur faisais fête, tandis qu'armée de brosses, éponge et seau, Alaska étrillait longuement Cam, le brossait, le lavait ; jalouse, je tournais autour, et folâtrais à trois pas... espérant mon tour ! Elle tenta une fois de me "laver" aussi, mais, lassée de ma bougeotte continuelle, elle a dû renoncer.... En fait, je voulais surtout la sentir, car elle sentait bon, et qu'elle me caresse ! Après son départ, en soirée avant la lune,combien de fois avec Cam, avons-nous couru à perdre coeur dans la prairie, lui galopant, moi bondissant. Heureux été !
Il me dit, en petits hennissements douloureux qu'il regrette son haras, car, poney de sport, il était champion de concours hippiques, jusqu'à ce jour récent,
l'accident : sautant une haie, il est retombé comme une masse, avec une affreuse douleur ! La faute à un mauvais cavalier ! "Avec Alaska, çà ne me serait jamais arrivé ! j'avais confiance en elle, et elle en moi ! si elle me montait, nous deux n'étions qu'un !
Des hommes en blanc se sont penchés sur moi...ils m'ont palpé, ont hoché de la tête... Heureusement, ma maîtresse est venue ! Elle leur a parlé fort, en colère, les larmes aux yeux... Ils sont repartis... et j'ai été
amené ici, en camion... Mais depuis, je souffre, sauf quand on me fait des piqûres !".
Après une nuit agitée, ce matin, Alaska est venue, sans ses bottes ni la selle, la chevelure défaite. Elle s'est avancée vers Cam, les larmes aux yeux. En la voyant enfin, il a cherché à se tenir debout, mais il ne pouvait pas. Alors, elle s'est mise assise sur la paille, a pris la tête du poney sur ses genoux, et, en lui caressant doucement l'encolure et la nuque, tout doucement, elle lui a parlé : "J'ai décidé, Cam, malgré moi, je ne peux te laisser souffrir, pardonne-moi..." Pendant une demie-heure, elle lui parla, doucement, comme à un enfant. Les grands yeux de Cam regardaient sa maîtresse avec adoration, ses naseaux s'enivraient de son odeur, déjà il ne souffrait plus. Lorsque la voiture s'arrêta, et qu'en descendit l'homme en blanc, arrivant doucement par derrière, Cam ne sentit même pas l'aiguille s'enfoncer dans sa veine jugulaire.
La douce brise d'été, Avec un tel entrain,
Lui rapporte des mots craquants, Que ça lui donne un air serein.
Sur mes genoux, sa tête était posée,
Il m'a longuement regardé,
De son regard plein de tristesse,
Mais aussi, d'une infinie tendresse.
J'ai, sur sa tête, déposé un baiser,
Comprenant qu'il voulait ma bénédiction pour partir,
Et en paix mourir.
De son souffle chaud sur mes mains, il m'a remercié,
J'ai senti son âme le quitter,
Au ciel, mes yeux j'ai levés,
Mes larmes ont coulé...
Dans le bleu du ciel un poney ,
Galope en blanc nuage,
Si belle image !
Même pour moi qui ne suis plus enfant…
Alaska était le nom de son blog sur C0W. Les photos de Cam sont d'elle