Conte de Noël
L’air gelé vibre de froid glacial sous la pleine lune !
La prairie givrée scintille de mille cristaux sous les étoiles !
Cette nuit, moi la chevrette, j’ai vu des choses extraordinaires.
Rêve, réalité ?
je ne sais rien… que chevroter ; mais J’AI VU !
Vers minuit, arrive un étrange jeune homme, violon en main.
Venu du fond des ans, chapeau de clochard, habit d’Arlequin …
Il s’est placé sous un arbre, a égrené les premières notes…
Les portes du cimetière voisin grincent, s’ouvrent béantes …
En sort un étrange cliquetis, mêlé aux notes du violon…
Le bruit de leurs os ! Petits squelettes blancs, en procession…
Sur les os graciles, crânes d’enfant dodelinant en cadence
Au fond de chaque orbite brille une lumière : l’espérance !
Par centaines, par milliers, la file s’avance, se déroule,
Dans la neige de la prairie, inscrit une immense spirale !
Nuit des innocents, fête des enfants morts trop tôt
Victimes des guerres, des maladies, du monde en chaos.
Soudain, le violon se tait ! la file se fige ! Tous regardent
Le vieux portail rouillé du cimetière… Une jeune fille sort, la dernière,
Vêtue d’un long linceul
Les os de ses bras en berceau
enserrent, tel un précieux trésor, le squelette d’un marmot.
Blotti sous la paille de notre cabane, mon ami Hérisson
Me chuchote : « Le dernier petit mort de cette année : un nourrisson !
Tiens-toi prête, chevrette, on va t’appeler ! » Et, de fait,
Un jeune squelette vient par ma longe me chercher.
Dans un nid de feuilles sèches, la jeune morte a déposé,
avec des gestes tendres de grande sœur, le nouveau-né.
Moi, à la fois âne et bœuf, sur lui, doucement je souffle !
Dans les orbites mortes du poupon, soudain deux perles !
Alors, le violon entame en diable un rondo ,
Et tous les enfants de sauter autour du berceau,
Tel castagnettes rythmant le chant du violon
Danse macabre sous la nuit au bleu profond !
Ils chantent en chœur :
Viens, petit frère, toi dernier-né ,petit enfant !
Rejoins-nous dans ta famille, celle des Saints Innocents,
Tous fauchés jeunes par un sort malheureux,
Mais, dans l’espace céleste, êtres lumineux !
Voilà que le chant du violon monte l’aigu jusqu’à l’infini
Les petits crânes vers le ciel tournent leurs orbites
Tel un feu d’artifice, mille lumières en ont jailli
Pour allumer dans la Voie Lactée mille pépites
Soudain, le silence ! Le fête est finie
Le violoniste range son intrument ! La prairie redevient muette !
Un à un les petits squelettes rejoignent leur tombeau .
Ai-je rêvé ? en cherchant sous la neige l’herbe gelée,
Demain matin, je trouverai, de ci, de là, quelques osselets…