L'Océan est vivant, il palpite et ondule
On ne voit que sa peau, les vagues, l'écume,
les courants puissants qui creusent cette peau,
obligent les bateaux à circuler de côté, en crabes.
La nuit, dans le golfe d'Arradon, sous la pleine lune
qui gonfle les marées, la mer laisse deviner
la vie intense de ses profondeurs : la lumière
se réflétant, trahit en mille éclairs autant de drames.
Là dessous, le bar chasse, dans sa jungle d'eau,
petits maquereaux ou crevettes transparentes.
Poissons et crustacés s'activent, guettent leur pitance,
se cachent dans les algues, se camouflent dans le sable.
Au petit matin, hérons et aigrettes se disputent
la bonne place: immobiles sur leurs échasses
Ils observent ou, se dandinant sur leurs pattes,
Excitent le ver de sable, que leur long bec happe
La mer, image de notre monde, alterne vie et mort
Monde de prédateurs et de proies,
Chacun à tour de rôle avaleur ou avalé
Chacun son tour, chacun son heure
A la surface, flottent les prédateurs suprêmes,
Ils pêchent pour vivre, ou voguent pour le fun
Barques bleues des pêcheurs du Golfe,
Gracieux voiliers du plaisancier sportif.
...mais voici que sont apparus de nouveaux pirates frimeurs,
Gros hors-bords aux moteurs surpuissants
Capitaines fiers comme Artaban, casquettes à galons postiches
Et lunettes de soleil ! la mer est devenue leur autoroute.
Ils foncent, soulevant des vagues ravageuses,
méprisant petites voiliers et les barques du Golfe,
polluant de leur bruit et de leur échappement
Une beauté qu'ils ignorent, un équilibre séculaire.
Petits snobs vaniteux sur leur hideux fer à repasser
de plastique blanc qui fend les flots ! Triste !
Ces capitaines de pacotille sont le plus souvent des sexagénaires,
sans doute riches et rentiers : polluer la mer,leur dernier plaisir ?
L'homme souillera-t-il toujours cette nature qui l'a enfanté.
Enfant monstre d'une nature vierge, il semble né pour salir.
Atome, pétrole, insecticides, tout lui est bon, pour piller !
L'océan est puissant, mais déjà je ressens sa beauté fragile.
Dans le Golfe d'Arradon, le bar se fait rare,
Les courants s'enlisent, des algues étranges apparaissent
Les barques bleues des pêcheurs disparaissent.
Humanité, mesures-tu tes dégâts ?